Il y a fort longtemps vivaient en Chine deux frères. Wang-l'aîné était le plus fort et brimait sans cesse son cadet. A la mort de leur père, les choses ne s'arrangèrent pas et la vie devint intenable pour Wang-cadet. Wang-l'aîné accapara tout l'héritage du père : la belle maison, le buffle, et tout le bien. Wang-cadet n'eut rien du tout et la misère s'installa bientôt dans sa maison.
Un jour, il ne lui resta même plus un seul grain de riz. Il ne pourrait pas manger, alors, il se résolut à aller chez son frère aîné. Arrivé sur place, il le salua et dit en ces termes : -Frère aîné, prête-moi un peu de riz. Mais son frère, qui était très avare, refusa tout net de l'aider et le cadet repartit.
Ne sachant que faire, Wang-cadet s'en alla pêcher au bord de la mer Jaune. La chance n'était pas avec lui car il ne parvint même pas à attraper un seul poisson. Il rentra chez lui les mains vides, la tête basse, le cœur lourd quand soudain, il aperçut une meule au milieu de la route. " Ça pourra toujours servir!" , pensa-t-il en ramassant la meule, et il la rapporta à la maison.
Wang-cadet posa la meule par terre et, de dépit, lui donna un coup de pied. La meule se mit à tourner, à tourner et à moudre. Et il en sortait du sel, des quantités de sel. Elle tournait de plus en plus vite et il en sortait de plus en plus de sel. Wang-cadet et sa femme étaient tous contents de cette aubaine mais la meule tournait, tournait et le tas de sel grandissait, grandissait.
Mais le frère aîné apprit bien vite comment son cadet avait trouvé le bonheur et il fut assailli par l'envie. Il vint voir son frère et dit : -Frère-cadet, prête-moi donc ta meule. Le frère cadet aurait préféré garder sa trouvaille pour lui, mais il avait un profond respect pour son frère aîné et il n'osa pas refuser. Wang-l'aîné était tellement pressé d'emporter la meule que Wang-cadet n'eut pas le temps de lui expliquer comment il fallait faire pour l'arrêter. Lorsqu'il voulut lui parler, ce dernier était déjà loin, emportant l'objet de sa convoitise.
Il était très heureux, le frère aîné. Il rapporta la meule chez lui et la poussa du pied. La meule se mit à tourner et à moudre du sel. Elle moulut sans relâche, de plus en plus vite. Le tas de sel grandissait, grandissait sans cesse. Il atteignit bien vite le toit de la maison. Les murs craquèrent. La maison allait s'écrouler.