Petit préambule minuscule. Voilà , le moment est enfin venu, où je dois écrire cet hymne, pour mon petit Prince. Il est apparu un jour, au début de l'automne, il y a maintenant un peu plus de six ans. Mon prince Téo est différent du fameux Petit Prince de Monsieur de Saint-Exupéry, pourtant il produit sur moi autant d'émerveillement qu'en produisit, en son temps, le Petit Prince à son créateur.
Je frappe à la porte de sa tente. "Mais comment peux-tu frapper à une porte de tente ?" me direz-vous. Tout simplement parce que sa chambre est une tente et qu'il faut frapper avant d'entrer. Croyez-vous que l'on entre chez un prince comme on entre dans un moulin? Je frappe donc à la porte de sa tente et une voix ni jeune, ni vieille, une voix normale, me demande, doucement, d'entrer.
Je pousse lentement le battant de cette porte, soigneusement refermée par le Prince Téo. A peine ais-je eu le temps de passer ma tête chenue par l'entrebaillement de l'ouverture, que je le vois, là , au centre de son repaire. Il est calme et tranquille. Assis, en tailleur, à la manière des princes arabes. Il n'y a ni tapis, ni fourrure sous son petit derrière. Non, il est là, assis par terre à même le carrelage. Un rayon de soleil, filtrant à travers les voilages verts et bleus accrochés devant la fenêtre, illumine ses yeux.
Aussitôt qu'il m'aperçoit, son sourire s'agrandit, s'élargit, et ce sourire, à chacune de mes visites, me remplit tout entier. Mon Prince Téo, lui, ne demande ni que je lui dessine un mouton, ni une rose. Les dessins c'est lui qui les fait. Et ensuite il les offre, sans compter, autour de lui. De sa voix étonnée il me demande : " Papy, qu'est-ce que tu fais là ? C'est toi qui viens pour nous garder et tu vas dormir ici ? "
Même si elle s'est terminée tardivement, la soirée de la veille s'est déroulée tranquillement et sereinement entre la terrasse, en sirotant des boissons fraîches, et les aller-retours entre les chambres de mes princes et princesses. Mais ne nous éloignons pas de notre sujet principal car aujourd'hui, c'est de mon Prince Téo que je suis venu vous parler.
Le lendemain, au petit jour, il entre, à pas feutrés, dans la chambre. Si feutrés que je ne l'entends pas. Moi, qui ai, pourtant, l'oreille fine! L'oreille d'un vieux monsieur qui ne dort plus beaucoup. Un vieux monsieur qui veille, un vieux monsieur qui guette. Et pourtant, là, ce vieux monsieur s'est laissé surprendre.
Mon Prince Téo a le sourire facile. J'ai dit facile. Cela ne veut pas dire que ce sourire n'est pas fragile. "Bonjour mon Prince!" "Bonjour Papy!" Il approche sa tête, penche sa joue et il sait ce qu'il va arriver. Il aime les bisous endormis que je lui colle sur ses pâles joues tendres. Mes baisers sont souvent un peu rugueux à cause des poils, de plus en plus durs, de ma barbe matinale. " Tu piques Papy, il va falloir que tu te rases!"
" Mon Prince, sais-tu que tu ne dois pas marcher pieds nus sur le carrelage ?" " Mais Papy, je ne suis pas pieds nus, sur le carrelage !..." "Allons mon Prince, ne me racontes pas de salades! Mon oreille est encore assez fine pour faire la différence entre le bruit de tes pieds nus sur le carrelage et celui de tes pieds chaussés de «tongs», même si je ne t'ai pas entendu entrer..." A ce moment là , après avoir fait mine de refermer les yeux et de m'être rendormi, j'entends mon Prince Téo qui ressort, furtivement, de la chambre en refermant la porte le plus doucement possible.
J'en profite pour me lever et je m'approche de la porte, tout aussi silencieusement. Je l'entrebaille, sûr de mon effet. C'est à cet instant que je me trouve, nez à nez, avec ce cher enfant. En me montrant ses pieds chaussés - et avec un immense sourire moqueur- il me dit : " Tu vois bien, Papy, que je ne suis pas pieds nus !!" Que voulez-vous que j'ajoute à tant de fraîcheur d'esprit et à tant d'espièglerie.
Ma tentative de surprise n'a pas été couronnée de succès. Avec ses airs de tendresse naïve, le Prince Téo est un futur rusé. Je dis rusé, pas roublard. Il n'y a aucune méchanceté dans l'attitude de ce prince là, juste un petit peu de malice. Revenons au déroulement de cette journée qui s'annonce tellement ensoleillée dehors et tellement lumineuse à l'intérieur.
Je lui demande ce qu'il veut pour son petit-déjeuner: "Papy, fais-moi un sandwich au "Nutella", s'il te plaît!" J'entreprends donc de lui préparer ledit sandwich. Ne voulant pas perdre un instant des vacances, le Prince Téo retourne, silencieusement, dans sa tente pour jouer. J'en profite pour préparer mon propre petit-déjeuner.
FIN DE LA 1ERE PARTIE